
Aure [ Photo Stéphane Giner ]
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Je n'ai pas toujours eu cette difficulté
A vivre avec quelque chose qui manque...
L'enfance est faite d'instants fragiles
Où parfois tout peut basculer,
De moments passés à s'instruire
A savoir de quoi demain sera fait...
Un seul regard suffit à faire exister
Comme il peut détruire l'espoir d'avancer ;
Alors que d'autres jouent en riant
S'amusent à cache-cache, chat perché,
A courir dans la rue, dans les prés...
1 2 3 c'est fermé, je suis resté prisonnier !
Une pièce noire, pas pour jouer,
Ni pièce pour interpréter un rôle,
Future mise en scène de lendemains
Où je serais l'acteur de mon quotidien...
Rien de tout ça dans ce noir élaboré ;
Une pièce sombre comme celles fermées à clé ;
Il en faut de l'imagination pour entrevoir l'horizon,
Du temps pour le concevoir, l'observer, l'apprivoiser...
Et malgré toutes ces heures comptées,
L'univers se construit avec de sombres mètres carrés...
Quelle chance j'allais dire,
L'enfant ne prend pas de suite conscience
De la fondation sur laquelle il est posé :
On peut passer des jours et des heures
A tourner en rond autour d'un trou
Sans savoir que dedans on peut y tomber ;
On peut même s'en faire un allié
Une sorte de compagnon béant
Qui prend le pouvoir sur vos pensées...
Quelle perte de temps à combattre
Cet inconnu inexistant disparu à jamais !
Fort heureusement, comme nous le savons tous,
Il n'y a rien de plus capricieux que des clés
Qui s'amusent à se cacher, se perdre ou s'égarer
Dans un des nombreux recoins de l'habitation !
La clé de cette porte, là, derrière moi,
N'est pas tombée dans les mains de ce compagnon,
De cet espèce d'ami noir au regard sombre,
Qui d'un seul trou l'aurait bien absorbé !
Un trait de lumière et quelques paroles
Sont venus éclairer la surface de cet horizon ;
Tiens... il y avait des fenêtres et des volets ?
C'est dans tes yeux belle Sylvette
Que j'ai alors commencé à exister...
La couleur du ciel donnée à ta vision
M'est devenue inspiration, vers toi,
D'une infinie bleutée à l'horizon,
Mise en scène parfaite d'une apparition
A faire vibrer les cordes vocales
Dans une interprétation de mon premier rôle,
Celui où j'ai eu envie de dire "Bon Jour"...
J'en ai oublié le gouffre profond
Qui de sa voix monotone et monocorde
Me suppliait de ne pas l'abandonner...
Hélas mon cher, toi mon bourreau et mon ami,
Je vais devoir te laisser un instant ;
Tu m'as fait peur tu sais ?
Je pense que tu n'avais pas assez d'appétit
Pas assez faim pour m'anéantir,
Me faire disparaître et m'engloutir...
La caresse d'une main bienveillante
Vaut bien plus que tous les levers de soleil !
Mais, j'avais dit "Un instant",
Et ce trou n'avait pas tout à fait disparu ;
Il y a comme un manque qui ne se comble jamais...
Le plus beau des regards peut s'éteindre
Se voiler, noir, derrière de nuages épais...
Même si adulte il y a quelque chose qui manque,
J'entends encore les battements de tes longs cils,
Tels des oiseaux vers l'aurore s'envolant doucement ;
Oui, c'est vrai... Parfois, tout peut basculer !
"Aucune grâce extérieure n'est complète
si la beauté intérieure ne la vivifie.
La beauté de l'âme
se répand comme une lumière mystérieuse
sur la beauté du corps."
Victor Hugo